
La famille au coeur de votre organisation patrimoniale
Un grand nombre de sujets patrimoniaux sont directement liés à la famille. Qu’il s’agisse d’organiser son couple sur le plan patrimonial, de financer les études des enfants, de réaliser une donation ou de préparer sa succession, vos proches sont bien souvent au cœur de vos préoccupations en matière de patrimoine.
Tour d’horizon avec Christophe Chaillet, Directeur de l’ingénierie patrimoniale du CCF.
Quels peuvent être les points d’attention concernant le patrimoine du couple ?
Christophe Chaillet : Le statut du couple (marié, pacsé, ou en union libre) est un choix structurel dont les conséquences patrimoniales sont importantes.
Prenons l’exemple d’un couple qui vit en union libre, en l’absence de PACS. S’il arrive quelque chose à l’un des deux et qu’aucun testament n’a été établi, alors le survivant n’hérite rien de son partenaire décédé. Et même dans l’hypothèse où un testament aurait été rédigé, les droits de succession hors mariage (et hors Pacs) entre personnes non parentes s’élèvent à 60% du montant transmis (au-delà de 1.594€ euros), ce qui est évidemment prohibitif.
Un autre choix peut être de conclure un PACS, sous réserve de rédiger un testament en faveur de son partenaire, ce qui permet d’exonérer ce dernier de tout droit de succession sur le patrimoine ainsi transmis. A défaut de testament en faveur de son partenaire, les biens du défunt reviendront automatiquement à ses héritiers (enfants, ou à défaut frères et sœurs, parents, etc…)
Pour ceux qui préfèrent rester en union libre, une solution peut consister à souscrire chacun un contrat d’assurance-vie en désignant son partenaire* comme bénéficiaire : sous réserve que les versements sur le contrat aient été faits avant l’âge de 70 ans, la fiscalité sur les sommes transmises sera alors avantageuse** avec une absence de droits jusqu’à 152.500€, puis une imposition à hauteur de 20% entre 152.500 et 700.000 € (31,25% au-delà de cette limite).
*Il faudra également veiller à ne pas porter atteinte à la “réserve héréditaire des héritiers”, voir paragraphes suivants.
**Il convient d’y ajouter les prélèvements sociaux (applicables aux plus-values réalisées et aux intérêts perçus sur le contrat) au taux actuel de 17,2 % pour les contrats d’assurance-vie investis sur un support en unité de compte. Pour les contrats investis sur un support en euros, les prélèvements sociaux sont prélevés au fil de l’eau sur la base des intérêts annuels perçus.
Que peut-on signaler concernant la retraite ?
CC : Il faut notamment rappeler qu’une réversion de la pension de retraite issue des régimes de base et complémentaires ne peut être demandée que par le conjoint marié (sans durée minimale de mariage requise en ce qui concerne les salariés).
Le partenaire de PACS ou le concubin ne peuvent prétendre à une quelconque réversion. Seuls certains dispositifs d’épargne facultatifs et privés tels que PER (Plan d’Epargne Retraite) ou assurance-vie prévoient, pour la plupart d’entre eux, une possibilité de réversion au partenaire de PACS, beaucoup plus rarement au concubin.
Quelle peut être l’utilité des donations aux enfants ?
CC : L’espérance de vie s’est considérablement accrue au fil des générations, et les enfants héritent maintenant de leurs parents de plus en plus tard, souvent au-delà de 60 ans, alors que leurs besoins financiers étaient probablement plus élevés 10 ou 20 ans auparavant.
Pour les aider aux moments de leur vie où ils en ont le plus besoin, si la situation financière des parents le permet, ceux-ci peuvent anticiper une partie de leur succession en réalisant une ou plusieurs donations. Cela peut également alléger la fiscalité liée à la transmission si on s’organise pour bénéficier à plusieurs reprises des abattements légaux.
En effet les droits sur les donations en ligne directe (de parent à enfant) sont calculés en tenant compte d’un abattement de 100 000 euros par donateur et par donataire (bénéficiaire de la donation), abattement qui se renouvelle tous les 15 ans et qui est commun avec celui appliqué lors de la succession.
Il y a donc, outre l’utilité immédiate pour les enfants, un intérêt financier à transmettre le plus tôt possible : on peut espérer bénéficier plusieurs fois de cet abattement, et alléger ainsi le coût global de la succession.
A quoi correspond l’abattement pour dons de sommes d’argent ?
CC : En complément des abattements applicables dans les cas classiques de donations ou de successions évoqué précédemment, il existe aussi un abattement spécifique, d’un montant de 31.865€, applicable* uniquement en cas de donations de sommes d’argent (chèque, virement, mandat ou remise d’espèces), et qui se renouvelle également tous les 15 ans. Le bénéfice de cette exonération est conditionné à la déclaration du don dans le délai d’un mois qui suit la date du don.
Au sein d’un couple avec 2 enfants, chaque parent peut donc transmettre, en cumulant ces deux abattements, la somme de 131.865€ à chaque enfant, ce qui pourrait représenter un total de 527.460€** en franchise totale de droits, et ce tous les 15 ans.
*Sous réserve que le donataire soit âgé d’au moins 18 ans (ou mineur émancipé) et que le donateur soit âgé de moins de 80 ans.
**131.865€ x 2 parents x 2 enfants soit 527.460€ au total.
Rappelons également que la Loi de Finances pour 2025 a instauré un nouvel abattement de 100.000 € pour les dons de sommes d’argent en pleine propriété à un enfant, un petit-enfant, un arrière-petit-enfant ou, à défaut, à un neveu ou une nièce. Cet abattement s’élève à 100.000 € par donateur dans la limite de 300.000 € par donataire. Il s’applique (sous certaines conditions) si les montants donnés sont affectés, dans un délai de 6 mois, à l’acquisition d’un bien immobilier neuf ou en VEFA*, ou à des travaux de rénovation énergétique dans la résidence principale du donataire.
*VEFA : Vente en l’état futur d’achèvement.
Une donation en faveur d’un enfant le favorise-t-elle nécessairement par rapport à ses frères et sœurs ?
CC : Cela dépend de ce qui est indiqué dans l’acte de donation : s’il s’agit d’une donation “en avance de part successorale”, elle n’avantage pas financièrement l’enfant qui la reçoit car la valeur de cette donation sera soustraite de sa part d’héritage au moment de la succession. En revanche, s’il s’agit d’une donation dite “hors part successorale”, elle s’ajoute à sa part d’héritage et constitue donc un avantage, mais la valeur de cette donation ne peut excéder un certain montant appelé « quotité disponible » et la part minimale des autres enfants (dite « réserve héréditaire ») n’en sera donc pas affectée.
Votre conseiller dédié et nos experts patrimoniaux se tiennent à votre disposition pour toute information relative à votre organisation patrimoniale ainsi qu’à vos investissements.
Pouvez-vous résumer le principe du démembrement de propriété ?
CC : Le démembrement consiste à diviser un droit de propriété en deux droits distincts, l’usufruit et la nue-propriété, détenus par des personnes différentes, l’usufruitier et le nu-propriétaire, qui n’ont pas les mêmes droits sur le bien démembré*.
*Il est à noter que la transmission (par donation ou lors d'une succession) de la nue-propriété ou de l’usufruit donne lieu à une imposition sur la base des critères de valorisation issus du barème de l’article 669 du Code général des impôts.
L'usufruitier dispose d’un droit qui lui permet d’utiliser le bien, de le gérer et d’en percevoir les revenus* pendant toute la durée de l’usufruit : il peut s’agir par exemple de loyers, mais aussi d’intérêts ou de dividendes. De leur côté le ou les nus-propriétaires ne reçoivent aucun revenu provenant de ce bien pendant toute la durée du démembrement. Au terme de ce démembrement, qui peut être temporaire ou viager, l’usufruit s’éteint et la pleine propriété du bien est automatiquement reconstituée sans frais au profit du ou des nus-propriétaires, qui en percevront alors les revenus.
*Pendant toute la durée du démembrement, c’est l’usufruitier qui supporte la fiscalité relative aux revenus. Il est toutefois possible de prévoir une répartition fiscale différente entre l’usufruitier et le nu-propriétaire dans une convention de démembrement.
Comment utiliser le démembrement en matière de donations ?
CC : Une donation étant irréversible, il faut veiller à ce que celle-ci ne concerne que des biens dont on est certain de ne pas avoir besoin à l’avenir. Les futurs besoins liés à l’âge et au risque de dépendance doivent être pris en compte, ce qui suppose de bien calibrer le montant des donations envisagées. Par conséquent, une donation avec réserve d’usufruit constitue un excellent moyen de transmettre sans trop se dessaisir : dans ce cas le donateur conserve l’usufruit et donc l’usage du bien donné de son vivant. Il perçoit également les revenus qui en sont issus (loyers, intérêts, dividendes…) et a la possibilité de protéger son conjoint en prévoyant une clause de réversion de l’usufruit à son bénéfice*.
*En présence d’une clause de réversion, en cas de décès de l’usufruitier, son conjoint devient alors à son tour usufruitier, et c’est seulement à son décès que la pleine propriété sera reconstituée sans frais au bénéfice des nus-propriétaires.
Quant à la nue-propriété, celle-ci est transmise aux enfants avec une assiette taxable réduite, puisque la valeur de la nue-propriété est inférieure à celle de la pleine propriété, et il est possible d’utiliser les abattements de 100.000€ par enfant et par donateur renouvelables tous les 15 ans évoqués précédemment, sous réserve que ceux-ci n’aient pas déjà été utilisés au cours des 15 dernières années. Au décès du donateur (et de son conjoint en cas d’usufruit réversible), les nus-propriétaires (en général les enfants) récupèreront automatiquement et sans frais la pleine propriété des biens donnés.
Quelle est l’utilité d’une donation temporaire d’usufruit ?
CC : C’est une technique qui est parfois utilisée afin d’aider financièrement un enfant majeur qui fait des études, par exemple : il peut être utile de lui donner de façon temporaire l’usufruit d’un bien immobilier (maison, appartement, parts de SCPI …), qu’il va occuper ou dont il va recevoir les revenus en tant qu’usufruitier. Le bien immobilier sort alors de la base taxable à l’IFI (Impôt sur la Fortune Immobilière) des parents nus-propriétaires pendant toute la durée du démembrement, pour entrer dans celle de l’enfant qui souvent ne détient pas de patrimoine immobilier et ne sera donc pas imposable, le seuil d’imposition de 1,3 million d’euros n’étant pas atteint. S’il s’agit d’un bien locatif ou de parts de SCPI, les revenus correspondants sortent également de la base imposable à l’impôt sur le revenu des parents pour entrer dans celle de l’enfant majeur (s’il n’est plus rattaché au foyer fiscal des parents pour l’impôt sur le revenu), dont le taux d’imposition est souvent inférieur à celui de ses parents.
À l’issue du démembrement temporaire, la pleine-propriété est automatiquement reconstituée et le bien immobilier retrouve le patrimoine des parents. Une donation temporaire d’usufruit doit être justifiée par un besoin réel et vérifiable sur le plan économique (les revenus locatifs ou dividendes doivent être effectivement perçus par l’enfant), et ne pas procéder d’une préoccupation principalement fiscale, afin d’éviter toute requalification en abus de droit par l’Administration fiscale. Il est indispensable de contacter votre conseil fiscal indépendant (avocat, notaire) pour mettre au point cette opération le cas échéant et détailler ses implications en matière d’impôt sur le revenu, de droits de mutation et d’IFI.
Donation dans le cadre d’une transmission d’entreprise avec un « pacte Dutreil »
CC : Une donation est un très bon moyen, pour les dirigeants d’une entreprise familiale, d’anticiper le passage de témoin et de transmettre cette entreprise à leurs enfants. Ils ont la possibilité de mettre en place un « pacte Dutreil » qui leur permet, sous certaines conditions, de bénéficier d’une exonération de droits de mutation à concurrence de 75% de la valeur de l’entreprise transmise, exonération qui est cumulable avec les abattements successoraux. Si le donateur est âgé de moins de 70 ans, une réduction de droits de 50% peut également s’appliquer à condition que les titres de la société soient donnés en pleine propriété. C’est un schéma qui est utilisé pour des raisons d’organisation de la continuité de l’activité, d’anticipation de la transmission et de fiscalité.
Pour pouvoir bénéficier d’un pacte Dutreil il faut, avant de réaliser la donation, signer avec au moins un autre associé ou actionnaire de la société* un engagement collectif de conservation des titres pendant au moins 2 ans. Cet engagement doit porter sur au moins 17% des droits financiers et 34% des droits de vote (10% des droits financiers et 20% des droits de vote pour une entreprise cotée). Au moment de la donation, chacun des donataires doit signer un engagement individuel de conservation des titres pendant 4 ans à compter de la fin de l’engagement collectif. D’autre part, l’un des signataires de l’engagement collectif ou l’un des donataires doit exercer son activité professionnelle principale (pour les sociétés soumises à l’IR) ou une fonction de direction (pour les sociétés soumises à l’IS) au sein de la société transmise, et ce pendant les 2 années de l’engagement collectif ainsi que pendant au moins les 3 années qui suivent la date de la donation.
* La société doit exercer une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole, libérale ou de holding animatrice. Sont donc exclues les sociétés dites « patrimoniales » qui exercent une activité de gestion de patrimoine mobilier ou immobilier.
Fiscalité au 30/06/2025 applicable aux résidents fiscaux français sous réserve d’évolutions ultérieures de la réglementation.