
Comment utiliser l’assurance-vie en matière de succession ?
L’assurance-vie présente la particularité d’être juridiquement indépendante de la succession proprement dite, tout en constituant un véritable outil de transmission.
Christophe Chaillet, Directeur de l’ingénierie patrimoniale du CCF, nous en dit plus.
Christophe Chaillet : En effet la clause bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie donne la possibilité de choisir librement, sans obligation d’égalité, les bénéficiaires de l’épargne accumulée sur le contrat. Cette désignation est indépendante des règles successorales, à la seule condition que les montants versés sur le contrat ne constituent pas des primes « manifestement exagérées* ». Le capital transmis par l’intermédiaire d’un contrat d’assurance-vie s’ajoute donc à ce que le bénéficiaire reçoit par héritage ou par donation.
*La notion de “prime manifestement exagérée” s’apprécie en fonction de la jurisprudence et de divers critères tels que l’âge de l’assuré, sa situation familiale et patrimoniale, l’utilité du contrat et le montant de la prime versée.
Quelle est la fiscalité de la transmission en assurance-vie ?
CC : Des abattements spécifiques à l’assurance-vie s’ajoutent aux abattements successoraux évoqués précédemment et permettent donc de limiter le coût global d’une succession : si les versements sur le contrat ont été réalisés avant l’âge de 70 ans*, il est possible de transmettre jusqu’à 152.500€ par bénéficiaire en franchise totale de droits, quel que soit le lien de parenté avec ce bénéficiaire (au-delà de cet abattement, les sommes versées seront imposées à hauteur de 20% entre 152.500 et 700.000 €, et 31,25 % au-delà).
C’est une situation particulièrement favorable pour transmettre à une personne avec laquelle on n’a pas de liens de parenté, en évitant les droits de succession classiques qui s’élèvent dans ce cas à 60% des capitaux transmis. C’est également un outil très efficace pour une transmission aux enfants, car il permet de compléter les abattements successoraux classiques limités à 100.000€ tous les 15 ans, et pour une transmission à d’autres membres de la famille, comme le montre le tableau comparatif ci-dessous.
*Si les versements sur le contrat ont été réalisés après l’âge de 70 ans, seules les primes sont soumises aux droits de mutation, calculés après un abattement fixe de 30 500 € tous contrats et tous bénéficiaires confondus. L’abattement doit alors être réparti entre les différents bénéficiaires d’un même assuré, quel que soit le nombre de contrats détenus par l’assuré.
Comparatif fiscal entre succession et transmission en assurance-vie
Droits de succession | Fiscalité en assurance-vie* | |
---|---|---|
Entre conjoint et partenaire pacsé | Exonération | Exonération |
En ligne directe (de parent à enfant) | Abattement de 100.000€ | Abattement de 152.500€ |
Taux de taxation progressif : - 5% jusqu'à 8.072€, - 10% de 8.073 à 12.109€, - 15% de 12.110 à 15.932€, - 20% de 15.933 à 552.324€, - 30% de 552.325 à 902.838€, - 40% de 902.939 à 1.805.677€, - 45% au-delà | Taux de 20% jusqu'à 700.000€, de 31,25% au-delà | |
Entre frères et sœurs | Abattement de 15.932€ | Abattement de 152.500€ |
Taux de taxation de 35% jusqu'à 24.430€, 45% au-delà | Taux de 20% jusqu'à 700.000€, de 31,25% au-delà | |
Entre collatéraux jusqu'au 4e degré inclus | Abattement de 7.967 € en faveur des neveux/nièces, 1.594€ dans les autres cas | Abattement de 152.500€ |
Taux de taxation de 55% | Taux de 20% jusqu'à 700.000€, de 31,25% au-delà | |
Entre parents au-delà du 4e degré et entre non-parents | Abattement de 1.594 € | Abattement de 152.500€ |
Taux de taxation de 60% | Taux de 20% jusqu'à 700.000€, de 31,25% au-delà |
*Sous réserve que les versements sur le contrat aient été effectués avant l'âge de 70 ans.
Source : Investissement Conseils - Avril 2025 - https://www.economie.gouv.fr/particuliers. https://www.impots.gouv.fr/particulier.
À quoi faut-il veiller en rédigeant la clause bénéficiaire du contrat ?
CC : La clause bénéficiaire doit répondre aux objectifs patrimoniaux de l’assuré et être cohérente sur le plan fiscal compte tenu de sa situation et de ses objectifs. Elle doit notamment prévoir la représentation de tout bénéficiaire prédécédé (permettant à un ou des proches de devenir bénéficiaires à leur tour), la désignation de bénéficiaires de second rang dans le cas où les bénéficiaires de premier rang renonceraient* à la part du capital leur revenant, voire l’inscription de bénéficiaires en cascade pour s’assurer que le capital ne retombe pas dans la succession, faute de bénéficiaires désignés encore en vie au décès de l’assuré. Enfin, il est nécessaire de vérifier régulièrement** sa clause bénéficiaire pour vérifier qu’elle est toujours en adéquation avec ses propres objectifs.
*Il est possible, pour des raisons qui peuvent être patrimoniales ou fiscales, de renoncer au bénéfice d’un contrat d’assurance-vie pour lequel on a été désigné comme bénéficiaire. En cas de renonciation, si la clause bénéficiaire le prévoit, le capital est transmis en intégralité aux bénéficiaires de rang suivant.
**La clause bénéficiaire peut être modifiée à tout moment du vivant de l’assuré, sauf nantissement du contrat ou si le bénéficiaire a réalisé une « acceptation » du bénéfice du contrat, ce qui nécessite l’accord du souscripteur et un formalisme particulier.
Quelles sont les erreurs les plus communes qu'il convient d'éviter ?
CC : Pour prendre un exemple assez courant, si l’on souhaite une répartition égalitaire entre ses enfants, il vaut mieux en général ne pas utiliser une clause telle que “mes enfants Léon et Emma” : en effet, si un autre enfant naît quelques années plus tard, et que la clause bénéficiaire n’a pas été mise à jour, alors seuls Léon et Emma seront bénéficiaires du contrat… L’expression “mes enfants, nés ou à naître, par parts égales, vivants ou représentés, la représentation s’appliquant en cas de décès ou de renonciation” est plus appropriée pour une répartition égalitaire entre les enfants.
La clause bénéficiaire peut-elle favoriser un enfant ?
CC : C’est tout à fait possible car sur le plan juridique, le contrat d’assurance vie est indépendant de la succession proprement dite. La clause bénéficiaire apporte donc une certaine souplesse par rapport aux règles classiques de la succession qui fixent les parts destinées aux enfants.
On peut tout à fait décider, pour des raisons familiales ou personnelles, de favoriser un enfant ou de gratifier un proche, qu’il s’agisse ou non d’un héritier légal. Le contrat d’assurance vie procure ainsi une marge de manœuvre appréciable dans le cadre de la transmission d’un patrimoine.
Il convient de préciser que si les primes versées sur le contrat sont jugées “manifestement exagérées”, les héritiers réservataires (principalement les descendants du souscripteur) pourront contester la répartition du capital décès.
Votre conseiller dédié et nos experts patrimoniaux se tiennent à votre disposition pour toute information relative à votre organisation patrimoniale ainsi qu’à vos investissements.
L'assurance-vie peut-elle être utile dans le cadre de la protection du conjoint ?
Outre une donation entre époux, l’assurance vie constitue une autre possibilité de protéger le conjoint en lui transmettant plus que ce que prévoient les règles successorales classiques, sans exclure les enfants.
On peut le faire en souscrivant, avec l’aide de son notaire, un contrat comportant une clause bénéficiaire démembrée, le conjoint étant le plus souvent désigné comme usufruitier et les enfants comme nus-propriétaires : le conjoint usufruitier percevra le montant du capital décès et décidera seul de l’affectation des sommes reçues, sans fiscalité puisque le conjoint en est exonéré.
Les enfants seront pour leur part moins imposés sur le capital reçu en nue-propriété (la valeur de la nue-propriété étant inférieure à celle de la pleine-propriété*), et récupéreront le capital au décès du second parent.
*En cas de démembrement de la clause bénéficiaire, la fiscalité exigible au titre du contrat est répartie proportionnellement aux droits du nu-propriétaire et de l’usufruitier, au prorata de la part leur revenant dans les sommes versées par l’organisme d’assurance. Cette part est déterminée en fonction de l’âge de l’usufruitier et du barème prévu à l’article 669 du Code général des impôts. L’abattement global de 152 500 € est réparti entre les personnes concernées, usufruitier et nu-propriétaire, dans les mêmes proportions.
Comment peut-on utiliser l'assurance-vie pour aider ses petits-enfants ?
CC : Il est possible de designer ses petits-enfants nés ou à naître comme bénéficiaires d’un contrat ou, lors d’une donation de somme d’argent, de procéder à la signature d’un pacte adjoint prévoyant d’investir la somme donnée sur un contrat d’assurance-vie, qui permet d’encadrer l’utilisation des fonds jusqu’à un certain âge du donataire.
Quel que soit votre objectif, la décision de réaliser une donation doit être étudiée avec attention en fonction de votre situation personnelle et familiale, en vous appuyant sur un conseil indépendant et notamment sur votre notaire.
Fiscalité au 30/06/2025 applicable aux résidents fiscaux français sous réserve d’évolutions ultérieures de la réglementation.