Définir des management packages ou « ManPacks » pour les dirigeants d’entreprise
La question de la rémunération du dirigeant se pose évidemment lors de la création de l’entreprise, mais elle n’est pas figée et peut tout à fait évoluer au cours de la vie de la société.
Sont notamment à prendre en compte pour déterminer le mode le plus opportun de rémunération des chefs d’entreprise :
- Le choix du statut social du dirigeant : en effet, il est pertinent de s’interroger sur la forme juridique de l’entreprise et le statut social choisis initialement, et de s’assurer que ces derniers sont bien adaptés à la situation et aux besoins actuels du dirigeant. Le choix fait à la constitution peut avoir été déterminé au regard du régime des cotisations sociales, puis s’avérer moins en adéquation avec les objectifs du dirigeant au bout de plusieurs années.
- Les rémunérations alternatives : dans le cas d’un cadre dirigeant (c’est-à-dire un dirigeant ne contrôlant pas la société), certaines rémunérations alternatives telles que les attributions d’actions gratuites (AGA) et les bons de souscription de parts de créateur d’entreprises (BSPCE) peuvent constituer un complément de rémunération intéressant.
Nous faisons le point avec l’équipe Ingénierie Patrimoniale du CCF sur l’impact de ces choix sur la rémunération des dirigeants.
Qu'est-ce qu’un management package et comment cela fonctionne-t-il ?
Le management package (ou « ManPack ») est un outil de motivation, de partage de valeur et de fidélisation pour les dirigeants de société.
Importé des Etats-Unis et présent en France depuis une vingtaine d’années maintenant, le "ManPack" peut prendre différentes formes avec plusieurs instruments financiers : stock-options, actions gratuites ou encore, plus particulièrement pour les start-ups, Bons de Souscription de Parts de Créateur d'Entreprise (BSPCE).
L’objectif est de fidéliser les cadres supérieurs et les cadres dirigeants jouant un rôle stratégique dans la société afin qu’ils soient davantage associés aux performances réalisées par la société.
Les intérêts économiques des actionnaires sont alors plus alignés avec ceux des opérationnels et des managers.
Quelques exemples de ManPacks :
Nous trouvons principalement 3 outils pour constituer des management packages :
Les stock-options qui sont des options sur des actions donnant au bénéficiaire le droit d’acheter des actions de la société qui l’emploie à un prix fixé à l’avance et pendant une durée déterminée. Ainsi en cas de hausse de la valeur des actions, les bénéficiaires peuvent les acquérir à un prix inférieur à celui du marché.
Les attributions d'actions gratuites (AGA) constitue un autre outil de management packages. Les sociétés par actions cotées ou non, françaises et étrangères, peuvent distribuer des actions à tout ou partie de leurs salariés et de leurs dirigeants. Les bénéficiaires d’actions gratuites n’ont aucun versement à effectuer et sont certains de réaliser un gain, quelle que soit l’évolution du marché.
Enfin, les BSPCE qui sont des titres financiers permettant à leur porteur d'acheter des actions à un prix et une date convenus à l'avance. Ces outils sont réservés aux sociétés de moins de 15 ans d'existence.
Pourquoi attribuer ces management packages ?
En fonction de leur rôle dans la société, les dirigeants d’entreprise peuvent être amenés à recevoir différents types de revenus : salaires, dividendes, etc.
De prime abord, le versement des dividendes, soumis à la « flat tax » de 30% semble plus intéressant que le versement d’une rémunération soumise aux charges sociales et imposée au barème de l’impôt sur le revenu (IR). Cependant, il ne faut pas oublier que la rémunération est déductible, générant ainsi une économie d’IS, alors que les dividendes ne le sont pas et sont versés après paiement de l’IS. De plus, les dividendes ne sont pas pris en compte pour la détermination des droits à la retraite.
Choisir entre rémunération salariale et versement de dividendes relève donc d’un choix personnel, mais il existe également des rémunérations alternatives.
Les modes de rémunération alternative des dirigeants
Donner accès au capital à des cadres dirigeants avec les BSPCE, les AGA ou les stock-options
Les cadres dirigeants peuvent être :
- des dirigeants qui ne possèdent pas de capital,
- qui ont une participation très minoritaire dans la société en raison de la présence au capital d’un investisseur financier très majoritaire,
- un cadre rejoignant une start-up.
Dans ces situations, les associés sont généralement soucieux de proposer au dirigeant un « management package » composé d’instruments payants tels que des actions ordinaires, des stock-options, des actions de préférence ou BSPCE et d’instruments gratuits comme les AGA.
Quel sont les principaux avantages attachés aux BSPCE ?
Tout d’abord, il convient de préciser que les BSPCE peuvent être attribués uniquement à certains dirigeants et salariés par certaines sociétés par actions éligibles. Cela est notamment limité aux sociétés relativement « jeunes » existant depuis moins de 15 ans. Les conditions d’éligibilité requises limitent leur utilisation pratique.
Un BSPCE est un droit de souscrire des titres à un prix d’exercice fixé à l’avance lors de l’attribution. Les BSPCE offrent ainsi la perspective de réaliser un gain en cas d'accroissement du titre entre la date d'attribution du bon et la date de cession.
Quels sont les inconvénients liés aux BSPCE ?
Même si le prix d’émission est souvent gratuit, le prix d’exercice est encadré juridiquement puisqu’il ne peut être inférieur au prix d’émission des titres lorsque la société émettrice a procédé à une augmentation de capital dans les 6 mois précédant l’attribution des BSPCE (les augmentations de capital postérieures à l’émission des BSPCE sont indifférentes).
Autre inconvénient, leur exercice est souvent strictement encadré par des périodes de blocage et des critères de performance, ce qui restreint la liberté d’exercice du cadre dirigeant.
La fiscalité des BSPCE est-elle attractive ?
Le régime social et fiscal favorable en France rend attractifs les BSPCE. Le dirigeant sera imposé sur le gain net constaté lors de la cession des titres de la façon suivante :
BSPCE
Date d'attribution | Régime d'imposition | |
---|---|---|
Avant le 1er janvier 2018 | IR : Taux forfaitaire 19% si fonctions exercées > à 3 ans au moment de la cession | IR : Taux forfaitaire 30% si fonctions exercées < à 3 ans au moment de la cession |
+ Prélèvement sociaux 17,2% au titre des revenus du patrimoine | ||
Depuis le 1er janvier 2018 | IR : Taux forfaitaire 12,8%* si fonctions exercées > à 3 ans au moment de la cession | IR : Taux forfaitaire 30% si fonctions exercées < à 3 ans au moment de la cession |
+ Prélèvement sociaux 17,2% au titre des revenus du patrimoine |
*Ou option pour le barèmeprogressif de l'impôt sur le revenu après application le cas échéant de l'abattement « fixe du dirigeant » de 500 000 € prévu à l’article 150-0 D Ter du CGI
A noter : Au niveau social, ni le dirigeant, ni la société émettrice ne sont redevables d’une contribution sociale spécifique contrairement aux AGA.
Quelles sont les principales caractéristiques des AGA ?
La société émettrice peut conditionner l'attribution définitive des AGA à des conditions de performance liées aux résultats du bénéficiaire ou aux résultats de l'entreprise, ou encore à une durée minimale de présence dans l'entreprise.
Dans le cas d’une AGA, le bénéficiaire peut être sous un régime fiscal de faveur comme en matière de BSPCE sous réserve que l’attribution d’AGA respecte les dispositions du Code du commerce.
Pour les attributions d’AGA, en vertu d’un plan dont l’attribution a été autorisée par une décision de l’AGE intervenant à compter du 1er janvier 2018, la fiscalité du gain d’acquisition égal à la valeur réelle des AGA à la date d’acquisition définitive (c'est-à-dire au terme de la période d'acquisition) et du gain de cession (différence entre le prix de cession et le gain d’acquisition) est la suivante* :
AGA
Gain d'acquisition** | Régime d'imposition du bénéficiaire | Régime d'imposition de la société émettrice |
---|---|---|
Fraction annuelle du gain < à 300 000€ | Barème progressif de l'IR après application d’un abattement 50% | Contribution patronale 20 % |
+ Prélèvements sociaux au taux de 17,2% au titre des revenus du patrimoine | ||
Fraction annuelle du gain > à 300 000€ | Barème progressif de l'IR (au titre des traitements et salaires) sans application d’un abattement | |
Prélèvements sociaux au taux de 9,7% au titre des revenus d'activité + Contribution salariale 10%*** | ||
Gain de cession** | ||
IR : PFU au taux forfaitaire de 12,8% (sauf option pour le barème de l’IR) + Prélèvements sociaux 17,2% = 30% | / |
* Ce tableau est une présentation générale du dispositif et ne couvre pas certaines règles particulières en lien notamment avec la possibilité de déduire partiellement la CSG, les modalités d’imputation des moins-values ou encore l’abattement fixe de 500 000 € susceptible de s’appliquer lorsque le dirigeant exerce ses droits à la retraite.
** hors contribution exceptionnelle sur les hauts revenus susceptible de s’appliquer
***Si le bénéficiaire relève du régime obligatoire français d’assurance maladie au jour de la cession.
Le gain d’acquisition est imposé au titre de l’année de de la cession des AGA (à titre onéreux ou gratuit).
Quelles sont les principales différences entre les AGA et les BSPCE ?
Contrairement aux BSPCE, les AGA sont gratuites pour le dirigeant, par conséquent ce dernier est certain de réaliser un gain quelle que soit l'évolution du marché. Il n’y a donc pas de prise de risque financier alors que pour la société émettrice, elles peuvent représenter un coût. En effet, la société émettrice supporte deux coûts :
- le coût d’émission des AGA égal à la valeur nominale des AGA (il faudra donc s’assurer à l’avance qu’elle dispose de réserves suffisantes pour procéder à l’augmentation de capital)
- le coût social des AGA avec la contribution patronale de 20% assise sur le gain d’acquisition. À noter que la contribution patronale est déductible de l’assiette de l’IS pour la société émettrice. A noter également que les actions peuvent être acquises sur le marché.
Quels sont les assouplissements apportés par la loi PACTE(1) aux BSPCE et AGA expliquant un regain pour ces instruments ?
En matière de BSPCE, suite aux critiques formulées liées à la contrainte de l’alignement des prix entre les dirigeants et les fonds d’investissement qui ont souvent payé leur droit d’entrée à un prix nettement plus élevé, par rapport au référentiel de la dernière levée de fonds, le législateur a introduit la possibilité d’appliquer une décote égale à la perte de valeur économique de l’action depuis cette émission. Cet assouplissement est donc encourageant.
Concernant les AGA, auparavant, la loi limitait le nombre total d’AGA pouvant être attribuées par une société à ses salariés et dirigeants à un plafond correspondant à 10% du capital (voire 15% pour les PME).
La loi PACTE n’a pas modifié ces plafonds, mais leur mode de calcul : sont exclues de ce décompte
- les AGA n’ayant pas été définitivement attribuées au terme de la période d’acquisition,
- ainsi que celles n’étant plus soumises à une obligation de conservation. L'objectif est d'éviter les situations de blocage et de permettre aux sociétés de « reconstituer » périodiquement leur capacité à émettre des AGA.
Quelles sont les caractéristiques des stock-options ?
Les stock-options, ces outils de motivation, consistent à offrir aux salariés et dirigeants, en plus de leur salaire, la possibilité d’acquérir des actions de leur société à des conditions avantageuses.
Les salariés et mandataires sociaux concernés ont donc la possibilité de souscrire ou d'acheter les titres de leur société à une date et à un prix fixés à l’avance.
L'attribution d'options s'analyse en une promesse de vente à terme. C’est le moyen de bénéficier d’une rémunération supplémentaire si le titre progresse.
Sur le plan fiscal, le bénéficiaire de stock-options peut être imposé au titre du rabais, de la plus-value d’acquisition (gain de levée d’option), et de la plus-value de cession à des taux d’imposition différents. Attention, le plan doit être « qualifié » c’est-à-dire répondant aux conditions du Code du commerce pour bénéficier du traitement fiscal de faveur des stock-options (et ne pas être considéré comme du salaire lors de la levée des options).
Attention enfin aux événements de la vie (décès, divorce, licenciement, mobilité internationale, etc.) qui peuvent avoir des impacts sur la fiscalité de ces outils.
Pour aller plus loin, nous vous invitons à contacter notre équipe Ingénierie Patrimoniale qui pourra vous accompagner sur ces sujets liés à la rémunération.
Loi n°2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises
Compte tenu de la jurisprudence récente relative aux management packages et au risque de requalification par l'administration fiscale, nous vous rappelons qu’avant toute prise de décision, vous devez évoquer ces sujets avec votre expert-comptable et/ou éventuellement votre avocat fiscaliste, qui doivent être vos interlocuteurs privilégiés sur ces problématiques.
Les différentes règles reprises dans ce document concernent les personnes physiques résidentes fiscales françaises, et établies en application de la réglementation en vigueur au jours de sa publication.