Analyse des marchés 3ème trimestre

L'analyse des marchés financiers

Olivier Gayno - Directeur des Investissements, HSBC Asset Management (France) -  25/10/2024


Temps de lecture : 4 min

Quel bilan faites-vous des derniers mois sur le plan macroéconomique ?

Olivier Gayno : La plupart des banques centrales ont maintenant largement entamé leur cycle de baisse de taux d’intérêt, naviguant entre contrôle de l’inflation et prévention d’une potentielle récession globale.

L'inflation a en effet considérablement diminué dans la plupart des pays développés.

 

Par conséquent, l'attention s'est déplacée vers les préoccupations liées à la croissance économique à mesure que les risques de récession se sont intensifiés. Il y a eu des divergences régionales notables en la matière. Actuellement, les chiffres économiques indiquent une faiblesse en matière de croissance dans la zone euro et en Chine, alors que les Etats-Unis semblent nettement mieux orientés.

 

Le scénario d’un atterrissage en douceur* dépend maintenant de la capacité de ces économies, en particulier des États-Unis, à naviguer dans une conjoncture moins favorable. La baisse de taux de 0.50% récemment décidée par la Fed (banque centrale américaine) montre que l’inquiétude d’un ralentissement économique est plus pressante que le risque d’une reprise de l’inflation.

Malgré cela, nous pensons qu'un atterrissage en douceur est le scénario économique le plus probable et que la croissance des bénéfices des sociétés va s’étendre à plus de secteurs qu’auparavant.

 

Ainsi, nous nous attendons à une rotation des performances des actions de grande capitalisation axées sur la croissance, en particulier dans le secteur technologique américain, vers des secteurs plus défensifs (peu sensibles à la conjoncture) et axés sur la valeur, tels que les petites capitalisations, l'immobilier, ainsi que les marchés de la zone euro et certains marchés émergents.

Si, comme nous le pensons, le cycle de baisse des taux s'accélère, le dollar pourrait alors voir sa valeur baisser contre la plupart des autres devises, ce qui avantagerait en particulier les marchés émergents dont les performances en devises locales pourraient être dopées par le taux de change pour les investisseurs occidentaux.

 

La fragile reprise économique de la Chine reste toutefois importante pour les indices émergents et dépend des dernières mesures de relance locales pour faire face aux risques de déflation et améliorer le moral des consommateurs. Par ailleurs, il sera également intéressant de surveiller la sortie du Japon d'une période déflationniste prolongée, la BoJ (Banque du Japon) s'étant engagée à resserrer sa politique monétaire, ce qui pourrait renforcer le yen. L'amélioration de la demande intérieure et la hausse des salaires ont renforcé l'optimisme quant à une croissance soutenue, ce qui pourrait soutenir les actions japonaises.

 

*Atterrissage en douceur : ralentissement progressif de l’économie sans entrée en récession.

 

 

 

Bien entendu, des scénarios économiques alternatifs pourraient se développer car la visibilité actuelle est relativement faible. La question d’une potentielle récession globale reste en effet posée car les indices d'inflation surprennent à la baisse dans les marchés développés et émergents.

 

Aux États-Unis, le taux d'épargne est à son plus bas niveau en 16 ans et la croissance des salaires ralentit, suscitant des craintes quant à un éventuel affaiblissement de la consommation qui constitue le principal moteur de la croissance économique dans la région. En effet, si une politique monétaire restrictive s'avère plus dommageable qu’attendu pour la croissance et que les dépenses de consommation ralentissent sensiblement, une récession est possible.

 

Ce point est particulièrement à surveiller dans la zone euro, car les politiques budgétaires tendent à être plus restrictives qu’auparavant et la Banque Centrale Européenne (BCE) focalise sa politique monétaire sur l’inflation alors que la Fed a des objectifs plus variés (inflation, marché du travail, croissance d’équilibre).

 

Cela nous amène à notre scénario alternatif baissier, où l'inflation ralentit et où la croissance se contracte fortement. Les indicateurs de la courbe des taux suggèrent une forte probabilité de récession aux États-Unis, mais certains analystes prédisent que les bénéfices des entreprises, bien que ralentissant, ne s'effondreront pas, ce qui constitue un tampon pour la croissance.

À l'inverse, un scénario haussier, bien que le moins probable à notre avis, pourrait se développer dans une configuration idéale où l'inflation continue de baisser tandis que la croissance s'accélère. Bien que des gains de productivité, induits par exemple par l’intelligence artificielle, soient à l’œuvre pour stimuler la croissance, ce scénario reste peu probable compte tenu des indicateurs économiques actuels.

 

Jusqu'à ce que la visibilité sur les scénarios économiques évoqués ici s’améliore, nous nous attendons à des phases de forte volatilité (ampleur des variations de valorisation) des marchés financiers. Par conséquent, nous privilégions les stratégies défensives (prudentes) et une grande diversification géographique et sectorielle.

 

Dans un contexte de croissance mondiale incertaine, plusieurs facteurs de risque tels que les prochaines élections américaines, l'intensification des tensions internationales et la forte concentration des marchés actions rendront les marchés peu prévisibles.

 

Ces derniers mois, nous avons commencé à voir des signes d’une potentielle « grande rotation », où les segments qui avaient précédemment sous-performé commencent à regagner du terrain. Ce phénomène est principalement focalisé sur la nécessité de se diversifier au-delà des valeurs américaines de croissance et technologiques, qui ont dominé le marché au cours des dernières années. Nous pensons que les valorisations de ces entreprises de la technologie commencent à sembler tendues, d'autant plus que les taux d'intérêt restent élevés en absolu et que la croissance rapide des bénéfices de ces entreprises devient plus difficile à atteindre.

 

Parallèlement, nous constatons une amélioration de la croissance des bénéfices et de la performance boursière dans les secteurs et les approches d’investissement qui avaient été délaissés jusqu’à présent. Cela crée des opportunités de diversification vers d'autres actions qui bénéficient de valorisations relatives plus attractives et de sources de profitabilité spécifiques.

 

En outre, en Asie, les marchés tels que ceux de la Chine, l'Inde et l'ASEAN (Asie du Sud-Est, où la technologie a une prépondérance moindre) sont moins dépendants de la demande extérieure et offrent également une large diversification sectorielle.

 

Enfin, les marchés obligataires des entreprises de bonne qualité de crédit devraient être une source importante de diversification des portefeuilles en cas de retrait des marchés actions, car ils continuent à offrir des taux de rendement relativement intéressants.

 

La prudence peut être de mise sur les marchés du crédit plus risqués telles que les obligations à haut rendement, surtout si le marché du travail se tend plus rapidement que prévu, ce qui aurait une incidence sur les bénéfices des entreprises et augmenterait les risques de défaut.

 

 

Achevé de rédiger le 25 octobre 2024.

 

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